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Devoir de vacance
14 août 2019

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Enfant j’étais très sale ? Je n’étais pas le seul. Nous étions très sales mais c’était sans importance, tant cette saleté nous semblait naturelle. Les appartements de nos parents n’ayant pas de salle de bains, la plupart même pas de toilettes, se laver était loin d’être une tâche évidente. J’avais bien dans ma chambre un ensemble de toilette : une verseuse, un bassin, un porte savon en faïence à motifs floraux bleus et un gant de toilette mais outre qu’il fallait penser à le préparer tous les soirs avant de me coucher ce que je faisais très rarement, qu’en hiver il n’était pas rare que l’eau en soit gelée tant il pouvait faire froid dans cette grande pièce sans chauffage et que personne chez moi ne contrôlait mes ablutions, lorsque je m’en servais en hâte c’était juste pour me mouiller le visage et le plus souvent pour décoller mes paupières que la nuit avait collées. La plupart du temps, je préférais même faire cela au robinet de la cuisine, seule pièce chauffée de la maison, avant d’aller à l’école car le maître, avant de nous faire entrer en classe contrôlait les mains, les ongles et l’arrière de nos oreilles. J’avoue que, bien qu’ayant toujours été matinal, ne les ayant jamais surpris dans cette activité, j’ignore même comment mes grands parents pouvaient se laver. Il est vrai qu’ils étaient, mon grand père surtout dont les activités de pêche, chasse, cueillettes et braconnage divers l’exigeaient, plus matinaux que moi.

Jusqu’à onze ans, jusqu’à ce que je rentre au lycée, âge de ma première douche aux bains municipaux, ma toilette hebdomadaire consistait en un lavage au gant par ma grand-mère, une fois par semaine dans un grand bassin de zinc l’eau ayant été tiédie sur la cuisinière ou, dès que le temps le permettait au soleil du petit balcon qui donnait sur la rue principale. L’été, mon frère et moi y étions lavés nus, au vu et au su de tous les passants ce qui, à cette époque, semble-t-il ne gênait personne. Pour le reste, nous n’avions le droit de ne changer de vêtements qu’une fois par semaine et je ne décrirai pas ici, par pudeur, l’état, et souvent même l’odeur, de nos sous-vêtements. Or nos jeux étaient loin de les ménager, nous courions, nous luttions, nous roulions dans des poussières diverses, nous grimpions sur des rochers, nous nous cachions dans des lieux improbables — caves, greniers, entrepôts, trous de rochers, ateliers — qui étaient loin de respecter une hygiène élémentaire. Cependant, quand nous rentrions vraiment trop sales, ce qui signifiait mains et visages, le gant de toilette de notre grand-mère réparait une partie des dégâts, les plus apparents. La seule règle d’hygiène à peu près respectée était de nous laver les mains avant les repas. Ceci, bien entendu quand nous mangions à la maison car pour le reste, repas au jardin ou à la campagne, nous faisions comme nous pouvions.

Bien entendu cette règle hebdomadaire était adaptée quand nous devions assister à un événement familial, mariage, communion ou quand nous devions, très rarement, nous rendre en visite chez tel ou tel. Et j’avoue que cela ne me plaisait pas beaucoup.

Je n’ai également eu ma première brosse à dents qu’à quatorze ans quand, figurant dans la liste du trousseau, rentrant comme pensionnaire à l’école normale primaire je dus en même temps, contraint par les règles d’hygiène de l’état, m’adapter à une situation de lavage quotidien et de douche après les activités sportives.

La seule période où nous étions plus propres était l’été parce que, durant deux ou trois mois, la rivière devenait notre terrain de jeu naturel. Et encore… nous allions bien souvent nous baigner en face de la sortie des égouts de la ville car l’eau y était plus chaude et les poissons plus nombreux. Mais au moins nous étions dans l’eau et nous nous séchions au soleil ou dans l’activité de nos jeux divers. Mais ce sera le sujet d’une éventuelle autre page.

Je ne suis pourtant pas loin de penser que cet usage très sélectif de l’hygiène dans notre enfance explique, en grande part, que ni mon frère, ni moi, n ‘ayons jamais été malades.

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