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Devoir de vacance
17 août 2019

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Il est des jours où je me sens proche d’une forme légère de dépression, où, dès le réveil, la vie me pèse comme une chape de plomb où plus rien ne vaut, où j’ai l’impression que l’arrière de ma boîte crânienne est enserrée par des mains invisibles, où je ne vois devant moi la longue suite des minutes que comme un parcours inutile où chaque pas sera pesant et toute tentative de faire quoi que ce soit se heurtera à un sentiment opaque d’inutilité, où j’enferme ma solitude dans une espèce de somnolence molle. Aucune perspective, mes pensées sont cotonneuses, mon corps est désossé, flasque, plus aucune énergie et je me traîne de lit en canapé et de canapé en chaise longue. Une asthénie absolue. Ces jours-là, je n’ai aucune envie d’écrire ni de faire quoi que ce soit. À peine une pensée, ou plutôt quelque chose qui pourrait ressembler à une pensée, semble-t-elle vouloir s’organiser dans mes neurones qu’elle se défait dans le début d’une autre. Je ne parviens à penser à rien qui aurait un tant soit peu de cohérence, mes idées flottent dans un espace nuageux d’où n’émerge aucune forme conséquente. Généralement, seule l’activité physique me permet de franchir l’obstacle, revenir à un paysage plus supportable. Encore faut-il trouver la force de m’obliger à marcher, pédaler, nager, sans autre but qu’obliger mon corps à désembrumer mon esprit. Tout est alors inconsistant, insignifiant, vide, tout particulièrement l’écriture qui n’apparaît plus que comme un monologue sans public, un soliloque. Pourquoi aujourd’hui poursuivre mon Devoir de Vacance ? Pour qui ? Je suis comme l’écolier qui ne va jamais au-delà des premiers exercices de son cahier de vacances. Facebook, n’est qu’un leurre qui permet de croire que l’on communique, alors qu’il n’y a réellement personne avec qui communiquer ? Perdre du temps à ressasser de vieux souvenirs dans une tentative désespérée de nager à contre-courant le flot du temps ? Ces jours d’abandon et de crise je me demande sérieusement pourquoi je ne laisse pas tomber, passer à autre chose. Mais ma nature y rechigne, pour l’instant elle a toujours repris le dessus. Il y faut si peu de chose.

Si ce n’était la promesse informelle faite à ma famille de poursuivre mes souvenirs d’enfance et celle faite à mon ami Marc Hodges de rendre public « Ma Vie ne Regarde que Moi » l’étrange autobiographie lacunaire, avançant d’un pas et reculant de deux, de notre vieil ami Maurice Roman dans quelque chose comme un parallèle d’écriture avec la mienne, j’aurais déjà mis fin à l’expérience. Mais après tout, écrivant cette page, est-ce que je rompt réellement le contrat ? Si ce n’est pas une page de ma vie d’enfance, c’est une page de ma vie, contemporaine. Je ne suis pas encore seulement passé. J’hésite encore, ne suis plus sûr d’aller jusqu’au bout. Je vais sortir, me trouver un prétexte quelconque pour sortir. Les obligations de la vie n’en manquent pas : trouver que manger, acheter des fruits, faire une visite au cimetière, acheter de la nourriture pour oiseau, aller voir ce qu’il y a au cinéma, aller lire le journal, toutes petites actions qui, je le vois bien autour de moi, suffisent à certains pour continuer leur vie pas à pas, mais qui ne parviennent pas à me satisfaire. Je vais sortir donc. Essayer de prendre une vraie décision.

Quoi qu’il en soit, pour aujourd’hui, j’en resterai là. J’irai cuver mon hypocondrie et noyer ma mélancolie ailleurs, je ne sais encore où, mais ailleurs. Si j’en ai la force. Demain sera peut-être un autre jour.

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