Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Devoir de vacance
14 août 2019

17

Il est pourtant des circonstances où les pleurs, me semble-t-il, auraient dû m’être naturels comme en cet après-midi de mes neuf ou dix ans où j’avais dû commettre une énorme bêtise, peut-être me battre une fois encore avec mon frère et abuser de ma force pour lui faire vraiment mal. Je ne sais. Ce dont je me souviens c’est de la colère de ma grand-mère et surtout de celle du plus âgé de mes oncles. Je me souviens de cris de part et d’autre, de hurlements de ma part même si j’en ai perdu le contenu. Je me souviens que nous étions dans la cuisine et que j’avais fracassé à terre un verre ou une tasse, que j’avais renversé les chaises, que grand–mère me menaçait d’un martinet dont elle ne se servait en fait jamais, que je me roulais par terre et que, au bord de l’hystérie, rien ne semblait pouvoir me calmer. Je revois mon oncle me prenant sous un bras et me descendant dans notre cave aux murs couverts de toiles d’araignée et où, disaient-ils, il y avait des rats, je le vois me posant sur le sol humide de terre battue puis refermant la porte derrière lui et, pire encore, coupant la lumière à la sortie me laissant dans un noir presque absolu si ce n’est la petite lueur qui parvenait d’un soupirail lointain au fond coudé du couloir des caves. Je ne pleurais pas mais j’étais fou de rage, je devais absolument prendre le dessus, vaincre cette punition imbécile. Alors, presque à tâtons, je trouvai le robinet du tonneau où mon grand-père mettait sa provision de vin et l’ouvris puis me mettant sur une caisse en position de fœtus, j’attendis. Je ne sais combien de temps dura cette attente mais elle ne fut pas très longue car mes parents n’étaient pas des tortionnaires et j’imagine ma grand-mère disant à mon oncle d’aller me chercher, un quart ou une demie heure, je ne sais mais la lumière revint précédant mon oncle qui vit le vin coulant du tonneau. Il referma le robinet, ne dit rien, l’air furieux il me fit signe de sortir et je m’empressai d’aller rejoindre mes camarades. J’avais l’impression d’avoir remporté une victoire et, plus jamais, ni mon frère ni moi nous ne fûmes descendus à la cave.

Publicité
Publicité
Commentaires
Publicité